Francesca Albanese sanctionnée, car dans le monde libre, dire la vérité est le véritable crime

Par Alberto García Watson

Bienvenue dans la nouvelle ère du droit international à la carte, où les bourreaux sont honorés et ceux qui dénoncent les massacres sont sanctionnés. Cette semaine, le gouvernement des États-Unis, parangon planétaire de la liberté, des droits humains et de la diplomatie par drones, a décidé d’imposer des sanctions à Francesca Albanese, rapporteuse spéciale de l’ONU sur les territoires palestiniens occupés, pour avoir commis le plus impardonnable des crimes : oser dire qu’un génocide est un génocide.

Son crime ? Avoir dénoncé, avec preuves, chiffres et un outil aussi scandaleux que le droit international, que ce qui se passe à Gaza depuis octobre 2023 n’est pas une « opération chirurgicale » ni une « réponse disproportionnée », mais bien une extermination systématique de civils. Mais dans le manuel occidental de la bienséance politique, dénoncer un crime de guerre revient à soutenir les criminels. Ainsi, Albanese a été accusée — il ne manquait plus que ça — de « soutenir le Hamas » et d’« antisémitisme », car, bien sûr, dans ce théâtre global, toute personne qui condamne le nettoyage ethnique perpétré par « le peuple élu » (on ne sait pas trop par qui) est automatiquement suspecte d’hérésie idéologique.

Albanese : rapporteuse ou terroriste déguisée, selon CNN

Le plus pathétique, ce n’est pas seulement qu’une fonctionnaire de l’ONU soit sanctionnée pour avoir fait son travail, mais qu’elle doive également se défendre d’accusations aussi sophistiquées que « penser différemment » ou « montrer de l’empathie pour les mauvais morts ». Dans le nouvel ordre moral, peu importe combien d’enfants palestiniens meurent sous les décombres : le véritable scandale, c’est de le dire à voix haute.

Et pendant que les médias estampillent Albanese comme « controversée », l’ancien président Donald Trump — oui, celui qui a tenté un coup d’État dans son propre pays — lève les sanctions contre Abu Mohammad al-Jolani, ex-jihadiste au CV estampillé Al-Qaïda et nouveau visage de la « stabilité » en Syrie. Autrement dit : une rapporteuse des droits humains qui dénonce un génocide est sanctionnée, mais un criminel de guerre à la barbe taillée et au costume occidental est récompensé.

Terrorisme : mauvais ? Seulement s’il ne sert pas le récit officiel

Hay’at Tahrir al-Sham, branche recyclée d’Al-Qaïda, n’est plus un groupe terroriste mais un « acteur pragmatique », selon Londres. Pendant ce temps, Albanese est une menace pour la paix mondiale parce qu’elle insiste pour appeler extermination, ce que d’autres appellent « défense légitime ». Car oui, dans cet univers inversé, tuer 40 000 Palestiniens est un devoir sacré, mais les pleurer publiquement est une incitation à la haine.

On atteint alors l’absurde total : dénoncer des crimes de guerre commis par les alliés, c’est de l’antisémitisme. Défendre le droit à la vie d’un peuple assiégé devient de la propagande du Hamas. Refuser d’applaudir un génocide, c’est du terrorisme moral.

Gaza, Liban, Yémen, Iran : les cibles du feu justifié

Tandis que la voix d’Albanese dérange, Israël continue de raser Gaza, bombarde le Liban, attaque la Syrie, punit le Yémen et menace frénétiquement l’Iran, tout cela sous le regard bienveillant de ceux qui distribuent à la fois des prix Nobel de la paix et des armes. Ce n’est pas de l’hypocrisie. C’est de la cohérence impériale.

La défense du droit international n’est valable que lorsqu’elle sert l’hégémonie occidentale. Sinon, c’est du terrorisme déguisé. Les principes universels ont des frontières, des clauses et des annexes. Et Albanese les a toutes dépassées en posant une question gênante : combien de morts de plus faudra-t-il pour appeler cette horreur par son nom ?

Conclusion : l’hérésie d’avoir une conscience

La sanction contre Francesca Albanese n’est pas une erreur. C’est un message. On ne la poursuit pas pour avoir menti, mais pour ne pas l’avoir fait. Dans ce monde, le véritable crime est d’avoir une conscience, et de l’exprimer à voix haute. Et si, de surcroît, cette conscience ose critiquer l’État d’Israël, alors préparez-vous à être traité d’antisémite, même si vous citez l’article 2 du Statut de Rome avec la même précision avec laquelle ils appuient sur le bouton de leur drone.

Car oui : dans cette tragicomédie planétaire, les génocides sont justifiés, la résistance est criminalisée, et la compassion envers les victimes non autorisées devient un motif de sanction. Albanese entrera dans l’histoire comme la femme punie non pour ce qu’elle a fait, mais pour ce qu’elle a refusé de taire.

Et ça, pour l’Empire, c’est impardonnable.

Traduction Bernard Tornare

Source en espagnol

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